La maladie d'Alzheimer et la conduite d'un véhicule

Centre-du-Québec

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Pour assurer la sécurité des conducteurs plus âgés sur la route

Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée signifie-t-il automatiquement que la personne doit se faire enlever les clés de sa voiture? Les opinions, les règles et les pratiques varient dans l’ensemble du pays, mais un groupe de chercheurs canadiens souhaite corriger la situation.

Ce groupe crée des lignes directrices et des outils pour aider les médecins de famille à évaluer l’aptitude à conduire de leurs patients plus âgés, ce qui comprend leurs capacités cognitives. Selon une étude récente de l’Université Queen’s, le nombre de conducteurs ontariens atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée sera plus du double de ce qu’il est actuellement, pour atteindre 100 000 conducteurs en 2028. Il est urgent d’obtenir des lignes directrices fondées sur la science, indique le docteur Mark Rapoport, neuropsychiatre gériatrique au Sunnybrook Health Sciences Centre de Toronto.

S’ils ont des patients qui peuvent être inaptes à conduire, les médecins de famille doivent le signaler au ministère des Transports de l’Ontario. Toutefois, selon le docteur Rapoport, les médecins de famille n’ont pas toujours la formation nécessaire pour faire cette évaluation, et bon nombre d’entre eux sont réticents à priver leurs patients de leur autonomie en leur enlevant leur permis de conduire.

Voilà où entre en jeu l’Initiative canadienne sur la conduite automobile chez les aînés (CanDRIVE). Les quelque 100 chercheurs du programme, y compris le docteur Rapoport, ont recruté 1000 conducteurs âgés de 70 ans ou plus qui participeront à une étude pancanadienne sur les facteurs qui affectent leur sécurité sur la route. Les participants ont accepté volontairement qu’un transmetteur soit installé dans leur voiture pour enregistrer des événements comme des arrêts brusques ou des accidents.

Cette initiative de recherche de cinq ans, qui en est maintenant à sa troisième année, examine également l’efficacité des tests sur route pour les personnes âgées, la conception des voitures et ce qui fait en sorte que les personnes âgées cessent de conduire.

Tons de gris

En plus de travailler à l’étude principale, le docteur Rapoport compile des études de cas pour aider à guider les médecins de famille. Il a recruté 20 experts médicaux sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, et leur a remis 20 cas « gris », à savoir des patients fictifs atteints du stade léger de la maladie. Le docteur Rapoport a demandé à chacun de ces experts médicaux de déterminer s’il signalerait la situation du patient et pourquoi; il souhaite ensuite faire part de ces perspectives aux médecins de famille.

« Durant le stade léger (de la maladie), certaines personnes peuvent être aptes à conduire, et le message principal transmis par CanDRIVE est qu’il faut aider les conducteurs sécuritaires à rester sur la route et empêcher de conduire les conducteurs dangereux » dit le docteur Rapoport, dont l’étude est partiellement financée par le Programme de recherche de la Société Alzheimer.

Il n’y a pas à douter que le ministère des Transports de l’Ontario comprend l’enjeu. En février, le ministre Bob Chiarelli a annoncé que son ministère se penchait sur l’établissement de nouvelles règles pour les conducteurs atteints de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées.

Ce changement devrait inclure une meilleure formation pour les médecins de famille, des tests sur route plus difficiles pour les personnes âgées et des permis de conduite assortis de restrictions pour ceux qui se sentent mal à l’aise de conduire la nuit ou sur les autoroutes.

Un éditorial publié en avril dans le Journal de l’Association médicale canadienne appuie également le passage à des permis de conduire assortis de restrictions. Bien que certaines personnes âgées soient toujours d’excellents conducteurs, l’éditorial observe cependant que « parmi les 2 209 Canadiens morts dans des accidents de la route en 2009, 389 d’entre eux avaient plus de 65 ans, ce qui est une incidence supérieure à celle de tout autre groupe d’âge et beaucoup plus élevée que celle d’individus qui ont la moitié de leur âge. »

Autres moyens de transport

Toutefois, un élément qui est tout aussi urgent que l’élaboration de nouvelles règles pour les conducteurs atteints de la maladie, est la façon d’aider les personnes âgées une fois qu’elles ne peuvent plus conduire, question que les chercheurs de CanDRIVE étudient également.

« Cela préoccupe beaucoup mes collègues des régions rurales », dit le docteur Rapoport. « Il n’est pas possible de faire livrer l’épicerie dans certaines régions du nord de l’Ontario. Il n’est pas possible de se procurer des nécessités de base. Parce qu’ils ne peuvent plus conduire, les individus doivent déménager dans des maisons de soins infirmiers. »

Même dans les régions urbaines, où les options en matière de transport sont plus nombreuses, les personnes âgées qui n’ont pas de permis de conduire hésitent souvent à prendre le transport en commun, parce qu’elles sont fragiles et trouvent l’environnement animé pénible. Pour d’autres, cela porte à confusion, particulièrement si elles ont toujours conduit. Et les taxis sont tout simplement trop coûteux.

« Comment leur procurer un moyen de transport? C’est l’élément clé », dit le docteur Rapoport. « Comment peuvent-ils continuer à vivre leur vie hors des quatre murs de leur demeure? »

Tous les médecins sont légalement tenus de signaler les patients qui ont un état médical qui peut affecter leur conduite. Toutefois, les tests de conduite et les règles relatives à l’obtention du permis varient d’une province à l’autre. Pour obtenir les règles en vigueur, il est préférable de consulter le ministère des Transports de votre province.