Le père d'Ama
L'histoire d'Ama
Ama prend soin de son père qui vit avec un trouble neurocognitif à la suite d’accidents vasculaires cérébraux. Elle nous parle ici de l’importance du soutien de la famille et du système de santé, de la nécessité de défendre les intérêts des personnes touchées et d’autres aspects de l’expérience de sa famille jusqu’à présent. Elle vit en Alberta.
« Mon père a travaillé dur toute sa vie. Après de nombreuses années passées dans le secteur bancaire, il a pris sa retraite et s’est lancé dans une nouvelle carrière en tant que menuisier, puis dans la construction d’échafaudages. Il a aussi travaillé pour un foyer, où il s’occupait d’enfants ayant des besoins spéciaux. Mon père a toujours été une personne productive et travailleuse.
Au fil du temps, nous avons remarqué une détérioration de sa santé générale et de sa productivité au travail. Ma mère a commencé à remarquer qu’il ne payait plus ses factures à temps, ou qu’il payait des montants trop élevés pour éviter tout retard. Il avait également commencé à laisser brûler des plats sur la cuisinière. Je me souviens qu’à un moment, il a mis un sac dans le micro-ondes en croyant qu’il s’agissait de nourriture, alors que c’était son insuline.
Je crois que c’est lorsque ma mère, qui était sa proche aidante principale, a dû s’absenter pendant quelques mois pour s’occuper de sa propre mère que mes soeurs et moi avons alors constaté une différence et qu’on ne pouvait pas le laisser seul à la maison. Quand je suis allée chez lui, j’ai été choquée de voir l’état de sa maison. Elle était en désordre et il ne semblait pas s’en rendre compte. Il ne savait plus ce qu’il fallait faire pour prendre soin de lui.
C’est à ce moment que nous avons organisé les services d’aide, surtout lorsque ma mère doit s’absenter pour prendre soin de sa mère à elle. Les soins à domicile viennent maintenant trois fois par jour, car s’il n’y a personne, il ne se souviendra pas de prendre ses médicaments, il risque de ne pas manger ou de trop manger (ce qui n’est pas bon puisqu’il est diabétique). Les soins à domicile vérifient également sa tension artérielle et sa glycémie. Nous avons aussi embauché quelqu’un qui vient nettoyer une fois par semaine et lui préparer ses repas.
C’est encore bizarre pour moi. Il a du mal à comprendre pourquoi il est malade et ce qu’il doit faire pour prendre soin de sa santé, mais ensuite il se souvient : « Oh, c’est fin mars, c’est le moment de la déclaration d’impôts! » Et il prépare et organise tous ses documents. Il fonctionne bien dans certaines sphères, mais dans d’autres, ce n’est pas aussi simple.
On lui a retiré son permis l’année dernière après son examen de tomodensitométrie ou une IRM, lorsqu’on a découvert des signes d’accidents vasculaires cérébraux. Il oubliait de plus en plus les choses et il réagissait lentement, alors n’était plus prudent pour lui de conduire. Ce fut un coup dur parce que c’était en quelque sorte son dernier bastion d’autonomie. Il aimait vraiment conduire. C’était une façon pour lui de sortir de la maison. Maintenant, il y est tout le temps et n’a pas beaucoup de motivation pour sortir et faire des activités. C’est plus nous, ses enfants, et ma mère, qui prenons les rênes et veillons à ce qu’il se rende à ses rendez-vous et qui nous assurons qu’il est actif.
« Il se souvient : “ Oh, c’est fin mars, c’est le moment de la déclaration d’impôts! “ Et il prépare et organise tous ses documents. Il fonctionne bien dans certaines sphères, mais dans d’autres, ce n’est pas aussi simple. »
Le soutien est important. Je ne sais pas comment les gens y arrivent sans soutien! Mon père a beaucoup de chance : ses enfants vivent tous dans la même ville. Je suis contente que mes soeurs puissent m’aider. Je ne pourrais pas imaginer devoir faire tout cela moi-même.
Il faut aussi défendre les intérêts des membres de votre famille. Vous devez faire entendre votre voix! Les soins à domicile sont utiles, mais ils ne sont pas parfaits : vous ne pouvez recevoir qu’un certain nombre de services, et si vous souhaitez obtenir plus d’heures d’un service particulier, vous devez vous priver d’un autre. Dans certains cas, nous avons demandé que son médecin s’occupe de certaines choses, et ils ne nous ont pas répondu avant des jours ou des semaines entières.
C’est frustrant, cela prend du temps, mais c’est la réalité : si vous n’êtes pas satisfait·e de certaines choses et que vous avez besoin d’un changement, vous devez en parler. Nous sommes assez souvent en contact avec son gestionnaire de cas et son agence de soins à domicile. Nous contactons des médecins et des infirmières et faisons un suivi si nous n’avons pas de réponse.
Je recommanderais aussi de prendre en note ce qui ne va pas, les noms des médecins, l’endroit où la personne se rend pour recevoir ses soins. Il faut bien s’organiser, car on est vite submergé. Ma soeur est très organisée à cet égard : elle a créé un organigramme du plan de soins de mon père.
Si on me demandait ce que je souhaite partager concernant notre expérience des troubles neurocognitifs, j’aurais un peu de mal à répondre. Je suppose que j’aimerais que les gens chérissent le moment présent. La santé est une véritable richesse. Mais sachez aussi que vous ne pouvez pas contrôler certaines choses. Et si votre famille n’est pas là pour vous aider, vous aurez probablement beaucoup de travail à faire pour déterminer où obtenir de l’aide et quels sont les services à votre disposition. »
Photo : Avec la permission d’Ama et sa famille.