Faces of dementia - Andrea

L'histoire d'Andrea

Andrea, une personne 2ELGBTQI+ et mère, nous décrit ici une partie de son parcours jusqu’à présent avec un trouble neurocognitif à début précoce.

« Ça a commencé par de petites choses. Des ancien·nes collègues venaient à l’école où je travaillais et je ne les reconnaissais pas. J’oubliais des lettres ou des mots en écrivant.

Et puis, il y avait des choses que j’avais faites toute ma vie que je ne savais plus faire. J’ai toujours fait du monocycle depuis la quatrième année. Mais, je sortais mon monocycle et je ne savais plus comment monter dessus. C’était vraiment bizarre, car j’en faisais depuis 40 ans. Et le dessin! J’ai toujours été portraitiste, et tout d’un coup, je ne savais plus dessiner. Mes dessins avaient l’air minables.

Nous sommes donc allées chez la médecin. La première que je me souviens avoir consultée m’a dit : « Tu portes du maquillage, donc tout va bien! » J’avais l’habitude de porter beaucoup de maquillage, avec du ligneur. Elle m’a dit : « Si tu portes du maquillage, alors ça veut dire que tout va bien. »

Ensuite, nous sommes passées chez plusieurs psychiatres, qui m’ont diagnostiqué des problèmes psychiatriques et m’ont prescrit une tonne de médicaments. Ce qui n’a vraiment pas aidé les choses. C’était horrible.

Finalement, je suis allée chez un neurologue, et j’ai dit : « Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas chez moi. Personne ne m’écoute. » Et il m’a répondu « Eh bien, que voulez-vous que je fasse? Voulez-vous subir une biopsie cérébrale? » Et je lui ai dit que oui.

C’est donc ce que j’ai fait. Ma biopsie montrait les plaques [bêta-amyloïdes]. C’est à ce moment que j’ai reçu mon diagnostic.

Mais le neurologue ne m’a même pas parlé du diagnostic, c’est un spécialiste du mouvement qui l’a fait. J’avais du mal à marcher. Le spécialiste a regardé mon dossier et m’a annoncé : « Vous avez la maladie d’Alzheimer. » Je lui ai répondu que je ne le savais pas. Et lui de me dire : « Eh bien, oui. C’est dans votre dossier post-chirurgical. »

Ce sont les seules informations que nous avions. Ma partenaire était là. Nous sommes sorties, et j’ai pensé : « Je suppose que j’ai la maladie d’Alzheimer. » J’avais 48 ans.

« Je dois dire que ma partenaire m’a beaucoup aidée. Elle est toujours là pour chaque rendez-vous. Les visites médicales me rendent toujours un peu nerveuse parce que la plupart du personnel médical ou des services me demandent : “ C’est votre soeur? “ Je leur réponds que c’est ma partenaire. »

En fait, le diagnostic a changé depuis. Maintenant, je sais que j’ai une dégénérescence fronto-temporale. Je dis toujours que c’est « l’Alzheimer version améliorée ». Je plaisante à ce sujet, mais ce n’est pas facile.

Au moment où j’ai reçu mon diagnostic, il se passait beaucoup d’autres choses. Ma mère avait la maladie d’Alzheimer et, après son emménagement dans une résidenceservices, j’ai commencé à lui rendre visite tous les jours en rentrant du travail.

Même pour moi, qui vis maintenant avec un trouble neurocognitif et qui essaie d’encourager les autres à les percevoir différemment, les symptômes les plus graves de ma mère sont à peu près les seuls souvenirs que j’ai d’elle. J’ai du mal à me rappeler qu’elle était vraiment intelligente, qu’elle parlait latin et qu’elle lisait des livres sans jamais s’arrêter. L’une des personnes les plus intelligentes que j’aie jamais rencontrées.

Quoi qu’il en soit, ma mère est décédée quelques mois après mon diagnostic.

J’étais également retournée à l’école et je terminais mon diplôme en travail social. J’élevais des triplés à cette époque. Maintenant, mon diplôme est accroché au-dessus de la toilette! C’est une blague, puisque je n’ai pas pu pratiquer. Comme j’ai un handicap, ma conjointe travaille maintenant pratiquement sept jours sur sept.

« Je pense vraiment qu’il faut actualiser notre façon de faire connaître les troubles neurocognitifs et raconter des témoignages à ce sujet, car on en parle de manière archaïque et démodée. »

Ça a été difficile. Je dois dire que ma partenaire m’a beaucoup aidée. Elle est toujours là pour chaque rendez-vous. Les visites médicales me rendent toujours un peu nerveuse parce que la plupart du personnel médical ou des services me demandent : « C’est votre soeur? » Je leur réponds que c’est ma partenaire. S’ensuit un silence malaisant. Il y a même des médecins qui lui ont même demandé de quitter la pièce!

Mais ce n’est pas généralisé. En fait, j’ai une très bonne équipe médicale maintenant.

Un médecin m’a retiré tous les médicaments dont je n’avais pas besoin, soit les médicaments qui m’avaient été prescrits par des spécialistes qui pensaient que mes problèmes étaient de nature psychiatrique. Ce fut un long processus pour m’en sevrer, et une transformation incroyable.

Pendant un moment, je ne pouvais plus marcher. J’avais besoin de cannes, d’un fauteuil roulant pour la polyarthrite rhumatoïde. J’avais un tas de symptômes différents liés à la mémoire, à l’ouïe, au mouvement, à la parole. Des symptômes que je n’aurais pas pensé liés aux troubles neurocognitifs.

Maintenant, je peux parler plus clairement. Maintenant, je marche mieux. J’ai beaucoup récupéré. Bien sûr, j’ai perdu d’autres choses. Mais je vis certainement à nouveau une vie active.

Je fais encore beaucoup d’art. J’ai participé au concours de murales pour le MICE [Memory Inclusive Communities Everywhere – ensemble de communautés inclusives des personnes vivant avec un trouble neurocognitif ], un groupe que nous avons lancé à Haldimand. Alors maintenant, il y a une murale en ville avec une de mes photos dessus, ce qui est passionnant!

En ce qui concerne mes enfants, ils avaient environ 16 ans lorsque j’ai reçu mon diagnostic. Maintenant, l’un d’entre eux est au collège, un autre à l’université et l’autre travaille. Deux de mes enfants ne comprennent pas toujours. C’est dur pour eux. Ils ne comprennent pas que certains de mes comportements sont dus aux changements qui surviennent dans mon lobe frontal. Je l’avoue : j’ai des petites crises de colère quand je suis frustrée. Ils pensent que je le fais exprès, mais ce n’est pas le cas. Mes enfants sont toujours très solidaires et apprennent à gérer les troubles neurocognitifs liés au lobe fronto-temporal.

Mes triplés sont tous créatifs. On fait de la céramique, on magasine dans des friperies, on peint. Un autre est dans le travail du bois, la fabrication de monstres, de créatures et d’accessoires. Et un autre s’investit à 100 % dans les plantes, utilise mon iPad pour me montrer des photos de feuilles, préserve les squelettes de feuilles et contrôle la température de sa chambre pour les plantes.

Je pense vraiment qu’il faut actualiser notre façon de faire connaître les troubles neurocognitifs et raconter des témoignages à ce sujet, car on en parle de manière archaïque et démodée. Le diagnostic de trouble neurocognitif ne nous définit pas : on demeure encore un humain intelligent et interactif, quel que soit l’âge. »

Photo : Avec la permission d'Andrea et de Faces of Dementia/Hamilton Council on Aging.

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