Les conseils de Joanne, proche aidante

Québec

Pour la semaine des proches aidants, découvrez l’histoire de Joanne. Elle a été proche aidante pendant 4 ans pour son père, Jean, atteint de la maladie d’Alzheimer. Jean est décédé récemment.  Elle nous partage ce que cette expérience a changé pour elle, le soutien qu’elle a reçu, et ses conseils.

Joanne, proche aidante, et Jean, son père qui est atteint de la maladie d’Alzheimer, portent des casquettes aux couleurs des Canadiens de Montréal (équipe de hockey)

Pouvez-vous nous parler de votre père?

Mon père habitait à Victoria (BC) de 2008 à 2017. Il est revenu à Montréal quand il a été diagnostiqué pour être proche de sa famille (moi-même, mon frère, mon mari et mes enfants.)

C’était un homme déterminé, fier, qui aimait la vie. Il avait un bon sens de l’humour, faisait souvent des ¨jokes¨ quand il voyait des gens dans l’ascenseur! Mon père aimait beaucoup manger de la crème glacée. Avant la pandémie, une de nos sorties favorites était d’aller prendre une crème glacée (voir photo).

Joanne, proche aidant, et son père Jean, sont dans une voiture et mangent de la crème glacée

Mon père était conscient de sa maladie. Il disait aux gens qu’il rencontrait qu’il ne se souviendrait peut-être pas d’eux dans une heure ou le lendemain. Il m’a confié que son cerveau disparaissait peu à peu et qu’il trouvait ça très difficile. Parfois, il me disait ¨ je suis tout mélangé en ce moment¨et ça le stressait beaucoup.

Toute sa vie il a été un homme très organisé et ça, il ne l’a pas perdu. Son sens d’organisation l’a beaucoup aidé pendant qu’il vivait avec la maladie d’Alzheimer. (exemples : calendrier mensuel sur le mur, minuteur, horloge-calendrier digitale, post-it jaune un peu partout, notes pour les numéros de téléphone et chaînes tv, carnet pour noter quand l’infirmière passait le matin, etc…)

Dès le début de la maladie, je lui ai fait comprendre qu’il n’avait à s’inquiéter de rien, que je m’occuperais de tout pour qu’il soit en sécurité. Je répétais ¨fais-moi confiance¨ et c’est resté dans son subconscient, il savait qu’il pouvait compter sur moi à 100%. Le fait que j’habitais à 15 minutes en voiture de chez lui le rassurait aussi, il pouvait toujours me rejoindre par téléphone et, peu importe où j’étais, il croyait que j’étais à la maison toute proche.

Un cadeau que la maladie d’Alzheimer nous a apporté est que mon père qui n’exprimait jamais ses sentiments en était maintenant capable. Il voulait partager comment il se sentait avec nous, ses peurs, sa tristesse, son bonheur… à la fin de chaque appel téléphonique ou quand je quittais son appartement il me disait merci et qu’il m’aimait. 

Comment votre rôle de proche aidante a-t-il changé votre vie?

Mon téléphone devait toujours être ouvert (jour et nuit) avec sonnerie pour ne jamais manquer d’appel de mon père ou de la résidence. Je faisais l’épicerie pour mon père, je vérifiais l’inventaire dans son logement toutes les semaines. Je m’occupais de ses finances (payer les comptes, faire sa déclaration d’impôts). Je me suis occupée de l’entretien ménager et de la buanderie pour quelques années et ensuite il a payé pour recevoir ce service à sa résidence. Je m’occupais aussi de l’achat de meuble ou de vêtements.

Au niveau médical, j’ai géré le renouvellement de ses médicaments, préparé son pilulier à chaque semaine pendant plusieurs années, puis le CLSC a pris cela en charge. Je gérais aussi ses rendez-vous de santé.

Tous les soirs, je trouvais un film ou un match de hockey à regarder avec lui, par téléphone.

Avez-vous reçu du soutien d’organismes ou du CLSC?

J’ai reçu du soutien de la Société Alzheimer de Montréal. J’ai suivi un cours de 8 semaines sur la maladie. Ensuite je faisais partie de deux groupes de soutien jusque maintenant. J’assistais aussi aux cafés Alzheimer qui ont lieu à la bibliothèque Atwater chaque mois. Cela m’a permis de ne pas me sentir seule dans ma situation, de pouvoir parler ouvertement et sans jugements. J’ai aussi pu apprendre d'autres proches aidants et des intervenants (les trucs et astuces, les produits, les résidences, comprendre le système public etc.).

 J’ai eu le soutien d’une travailleuse sociale du CLSC, c’est la même personne qui nous a suivis pendant 4 ans. J’ai aussi eu l’assistance pendant plusieurs mois de deux autres intervenantes sociales dans un nouveau programme pour mieux gérer les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) que j’ai beaucoup apprécié.

Que conseilleriez-vous à quelqu’un qui est nouvellement proche aidant pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer?

Il est très important de s’éduquer sur la maladie pour bien comprendre ce que votre proche vit. Je vous encourage aussi à participer à des groupes de soutien ou vous pouvez parler ouvertement, partager, entendre les témoignages des autres.

Il est aussi nécessaire de bien se renseigner sur les démarches légales comme le mandat d’incapacité ou encore le testament, les procurations à faire, et les directives médicales anticipées, dès que la personne est diagnostiquée., et de mettre à jour les documents au besoin.

Quel message aimeriez-vous faire passer concernant la maladie d’Alzheimer et le soutien à apporter aux proches aidants?

En tant que personne proche aidante, la priorité est que notre proche soit en sécurité et se sente aimé.

J’ai créé un compte Instagram alz_action (en anglais) pour partager des inspirations pour les proches aidants et de l’information sur la maladie.

Quand on est proche aidant, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, à s’éduquer sur la maladie. C'est aussi notre rôle de partager ce que ça signifie de vivre avec des troubles neurocognitifs, ce que ça change pour la personne d’être atteinte de la maladie d’Alzheimer. C’est important de parler de la maladie ouvertement, d’assister aux groupes de soutien, et de ne pas se négliger.

Il faut trouver l’équilibre. Ne pas tout faire nous-mêmes. Créer une équipe de soutien pour nous, payer pour des services (quand c’est possible), pour alléger nos responsabilités. Aussi on doit accepter que parfois les choses ne soient pas faites parfaitement, ou pas à notre façon, mais que c’est acceptable.