Le conseil de Nicole: S’outiller pour être plus confortable dans son rôle d’aidant
Nicole Dagenais a été proche aidante pour son père pendant 5 ans, avant et pendant la pandémie de COVID 19. Son père est décédé en juin 2021. Elle nous raconte les défis, partage ses conseils et revient sur les impacts de la pandémie sur les proches aidants et personnes atteintes.
Pendant combien de temps avez-vous été proche aidante? Étiez-vous la seule proche aidante ou aviez-vous du soutien de votre famille ou d’amis?
J’ai été proche aidante pendant cinq ans pour mon père. Les deux dernières années ont été les plus intenses. C’est en 2015 que l’entourage a commencé à s’apercevoir des signes de la maladie d’Alzheimer chez mon père. En 2017, quand ma fille est allée vivre avec son grand-père, on s’en est encore plus aperçus. Ma fille me disait « Grand-papa fait des choses qui ne lui ressemblent pas » J’ai alors mis plus de pression auprès de son médecin pour avoir un diagnostic. Ma fille et mon conjoint ont aussi beaucoup aidé mon père. L'entourage a su écouter dans la bienveillance.
En quoi consistait votre rôle de proche aidante?
Je gérais ses divers rendez-vous médicaux, les rendez-vous avec sa travailleuse sociale et avec ma travailleuse sociale. Par la suite il a aussi eu des suivis avec une nutritionniste et un ergothérapeute. Je m’occupais aussi de faire l’achat d’aliments simples à préparer.
Mon père possédait un immeuble, dont j’ai dû reprendre la gestion, notamment pour m’occuper des locataires, des factures à payer et des litiges devant le tribunal administratif (Régie du logement). Dès 2015, mon père a établi une procuration générale incluant un mandat de protection auprès d’un notaire, car il sentait que le tapis commençait à glisser sous ses pieds. J’ai commencé à utiliser la procuration en 2017. Pour lui au début c’était une libération de ne plus avoir à tout gérer, mais plus tard il a eu un revirement à ce sujet, il voulait que ses locataires l’appellent lui, mais il ne se souvenait plus comment réparer les choses. En m’informant, j’ai appris à gérer cette situation.
À partir de 2018, j’ai été retraité sinon je ne sais pas comment j’aurais pu mener de front aider mon père et le travail. C’est difficile pour un enfant de devenir le parent de son parent, ça m’a pris du temps pour prendre ma place d’aidante, pour réaliser l’ampleur de la maladie et comprendre les besoins de mon père, surtout à la fin quand il pouvait moins les exprimer.
Pouvez-vous nous parler de votre père?
Mon père était mécanicien de formation, il a travaillé dans ce domaine jusqu'en 1982 puis s’est reconverti dans l’achat, la réparation et la revente d’immeubles jusque dans les années 90. Il a ensuite eu une résidence pour personnes âgées jusque 2008, quand il a cessé ses activités de rénovation.
Mon père a toujours été un homme doux qui aimait discuter politique et religion. Mais au fil de la maladie il se retirait et devenait un peu l’ombre de lui-même, perdant l’intérêt pour le monde qui l’entoure.
Il a toujours été une personne avenante et bienveillante, mais la paranoïa développée dans les derniers mois l’a rendu craintif vis-à-vis de beaucoup de gens et d’événements. Plus la maladie progressait, pire c’était. Il a été très difficile pour lui d’accepter qu’il n'était plus apte à conduire son auto. Les proches aidants ont dû négocier avec son comportement plus acariâtre. Mais il n’a jamais été physiquement agressif.
Son état psychologique a fortement touché sa petite fille. Elle avait de la peine à ne plus pouvoir communiquer avec son grand-père. Je lui ai expliqué que le grand-père qu’elle avait connu n'était plus. La maladie ravageait leur belle relation qu’elle avait tant aimée. Nous étions dorénavant en présence d’une « autre » personne, malade, dont il fallait prendre soin.
Bien qu’il ait eu une certaine conscience que sa mémoire flanchait, dans sa compréhension, il n’était pas malade; il était vieux. Il ne savait pas ce qu’était la maladie d'Alzheimer, ça n’avait aucune référence dans sa tête.
Il avait des moments de lucidité où je pensais qu’il avait compris ce qu’on lui disait, mais quelque temps après je me rendais compte qu’il fallait lui réexpliquer encore et encore. Ça bonifie la patience! Avant d’aller en résidence intermédiaire, mon père m’a dit « Il y a du monde qui meurt avant de décéder », je pense que c’était sa façon de résumer ce que c’est de perdre ses capacités neurocognitives.
Avez-vous reçu du soutien d’une Société Alzheimer pendant votre parcours?
C’est difficile d’être proche aidant, car on n’est pas formé à prendre soin d’un proche atteint. J’ai suivi tous les webinaires des Sociétés Alzheimer que j’ai pu, ainsi que ceux de l’Appui dans les Laurentides. J’avais une conseillère de la Société Alzheimer pour m’épauler. Je participais aussi à des cafés-rencontres, mais avec la COVID le format a changé.
L’accès aux webinaires en ligne qui se sont multipliés pendant la pandémie a été une chance, ça aurait été un obstacle de devoir se déplacer à des conférences en présentiel. Mais pour les groupes de soutien, j’ai trouvé plus intéressant de partager mes préoccupations en présentiel. C’était plus difficile à faire par Zoom. Pour recevoir de l’information, je trouve ça pertinent. C’est plus compliqué pour les personnes de ma génération qui sont habituées à recevoir des informations par l’écran de la télé, mais pas à interagir par écrans interposés.
Quel a été l’impact de la COVID pour vous et votre père?
Pour mon père je pense que la COVID a changé le soutien dont il a pu bénéficier, sa première travailleuse sociale avait fait un plan pour qu’il participe aux activités en centre de jour, mais cela n’a jamais eu lieu en raison de la pandémie.
Les activités pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ont été réduites, nous étions en vase clos. Je pense que c’est aussi important pour la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer d'avoir des activités et d’échanger avec d’autres personnes qui vivent la même chose.
Les personnes proches aidantes ont eu moins accès à du répit pendant la pandémie. Dans ce cas à moins d’avoir un entourage qui aide, c’est plus difficile.
Que conseilleriez-vous à quelqu’un qui est nouvellement proche aidant pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer?
Justement, j’ai la situation dans mon entourage actuellement, et la première chose que j'ai conseillée, c’est de suivre les webinaires, de regarder les informations sur le site de la Société Alzheimer. Ultimement, pour une personne nouvellement aidante, je lui dirais d’aller voir sa Société Alzheimer très tôt et de lire et regarder tout ce qui parle des troubles neurocognitifs pour s’outiller et être plus confortable dans son rôle d’aidant.
Quel message aimeriez-vous faire passer concernant la maladie d’Alzheimer et le soutien à apporter aux proches aidants?
J’ai lu une étude parue récemment sur les besoins des patients atteints de troubles neurocognitifs[1]. Je trouve que c’est intéressant, car en tant que proche aidant c’est un défi de déterminer les besoins de l’aidé. Ça me parait important qu’une étude regarde aussi à quel point le proche aidant est au courant de ce que la personne atteinte perçoit comme besoin.
Cette étude préconisait aussi qu’une infirmière soit toujours au dossier, je crois que c'est important que la personne soit formée en gériatrie et concernant la maladie d’Alzheimer et ait de l’expérience, pour avoir de la crédibilité auprès de la personne atteinte. Mon père, même avant la maladie, a toujours été lent à se préparer pour sortir, ou pour manger. C'était important d'avoir des professionnels qui suivaient son rythme. Pour les nouvelles infirmières ou travailleuses sociales, tout est souvent axé sur la rapidité l’efficacité.
J’ai déjà trouvé ça compliqué en tant qu’aidante de ne pas être formée à prendre soin d’une personne atteinte d’Alzheimer, il n’y a pas un manuel écrit sur comment faire, alors je pense que c’est encore plus nécessaire pour un professionnel d’être bien formé.